La Louisiane

Vivre de jazz et de fruits frais !

Trois semaines passées à me balader à travers les routes et fermes de Louisiane, dernière étape Etats-Unienne avant le Guatemala.
J’ai longtemps rêvé de visiter cette région et je n’ai pas été déçue !
Une nature verdoyante aux pieds dans l’eau et une culture terriblement riche, contée par des locaux partageant généreusement leur fascination pour leur lieu de vie.
Épicentre des merveilles, la Nouvelle Orléans a enchanté chacune de mes cellules par sa singularité musicale et chaleureuse ; je ne peux qu’encourager à aller flâner dans les rues animées de cette ville magique !

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Mon séjour en Louisiane est partagé en deux parties :
La Nouvelle Orléans et la ferme Brockoli Patch à Scott qui se trouve à une vingtaine de minutes de Lafayette.
Je serais ravie de partager mes expériences, découvertes et anecdotes de voyage à la demande mais n’écrirai ici que sur les projets que j’ai eu la chance d’assister ou du moins de visiter.

HollyGrove Farm and Market
(New Orleans)

https://hollygrovemarket.com/ https://www.facebook.com/hollygrovemarketandfarm/

Lors de mon arrivée à la Nouvelle Orléans, j’ai eu la chance de séjourner chez le fantastique Kevin. Passionné d’écologie et d’agriculture, il est co-créateur du marché/magasin des producteurs d’HollyGrove, l’un des lieux de la Nouvelle Orléans tentant de récréer du lien entre les fourches et les fourchettes, le tout dans le partage et la bonne humeur.
Je lui ai alors posé quelques questions sur le lieu, sa création et son évolution.

Tout d’abord, peux tu parler un peu du début du « HollyGrove Farmers Market » ; quand et comment cela a-t-il commencé? As-tu des moments spécifiques du processus de création que tu souhaites partager?

« Ce projet a débuté en janvier 2008 en collaboration avec Paul Baricos. A cette époque, des subventions étaient disponibles pour des projets d’aide au développement des communautés locales ainsi un poste a pu être créer afin d’accroître l’accès aux produits frais dans le quartier de Hollygrove. C’est un quartier de la Nouvelle Orléans où vivent principalement des familles noires et à faible revenu. Nous avons commencé par envisager de demander que les épiceries de quartier (corner stores) proposent plus de produits frais car c’était un véritable manque dans le quartier, mais cela n’a pas aboutit. Nous avons également envisagé le format de marché des agriculteurs ponctuel, mais l’idée d’avoir des agriculteurs assis dans un parking ne nous convenait pas. Nous nous sommes alors dirigés très rapidement vers l’idée de démarrer un marché fixe entouré d’une ferme active . Nous avons alors cherché des locaux, et nous nous sommes installés sur le site actuel. »

Quelles sont les activités et la philosophie de l’endroit?

« Le lieu comprend une épicerie de produits frais accessibles à tous sans conditions ainsi qu’un jardin partagé et une ferme urbaine. Et à certaines occasions, le lieu se transforme en café/restaurant, centre de formation…
Le concept est basé sur un panier de 25 $ de fruits et légumes locaux disponible chaque jour. Mais il est aussi possible d’acheter les produits de son choix en faisant sa propre sélection. L’objectif du projet consiste à accroître l’accès à des produits frais et sains dans le quartier à faible revenu de Hollygrove, ainsi que de fournir une ferme de formation agricole aux personnes intéressées par l’agriculture. Il existe plusieurs activités sur le site, comme des programmes éducatifs pour les enfants mais aussi des brunchs. »

Petite clarification :
 L'objectif du Marché de Holly Grove est de simplifier au maximum l'accès à des produits frais et locaux, qu'il soit presque sans contrainte. C'est pour cette raison que le format  d'un "super marché des producteurs" ou d'un "marché permanent" est la solution qui est apparues comme la plus probante. Ce lieu est comme un anti-supermaché traditionnel, on y trouve de tout (légumes, oeufs, produits secs, plats cuisinés, hygiène,...) mais avec l'assurance que tout à été cultivé ou fabriqué dans les environs et de façon éthique et naturelle.
 L'idée du panier ou de la "Box" comme elle est appelée, est d'avoir chaque semaine une nouvelle liste de produits disponibles adaptée pour une consommation hebdomadaire, un peu comme nos Amap Françaises. La différence c'est qu'on peut venir chercher ce panier quand on veut dans la semaine mais aussi choisir de ne pas le prendre du tout ou de choisir d'autres produits qu'on payera au prix individuel.
 C'est un système sans engagement fonctionnant sur l'habitude des clients qui y gagnent en temps et en argent mais qui permet aux agriculteurs de s'en sortir car leurs produits sont toujours disponibles dans un lieu à clientèle régulière.

Qui sont les personnes impliquées dans le jardin et le magasin d’HollyGrove?

« Le marché d’HollyGrove est une croisée des chemins pour des populations très diverses de la Nouvelle Orléans. De manière générale ce sont gens qui s’intéressent à la source de leurs aliments ainsi qu’au soutien des agriculteurs locaux. »

Comment l’endroit est-il organisé? Avez-vous des employés et/ou des bénévoles ?

« Il y a plusieurs employés à temps plein notamment pour la direction générale du marché, les services de livraison et l’événementiel. Mais il y a aussi de nombreux bénévoles qui échangent quatre heures de bénévolat sur place contre un panier de légumes. »


Quelles ont été les évolutions du lieu et son impact sur le quartier ?

« Le marché a commencé en n’étant ouvert que le samedi de 10h à 14h, il est maintenant ouvert 7 jours sur 7 de 9h à 17h, ce qui constitue une fantastique évolution. L’impact sur le quartier peine cependant à se faire sentir. Il existe des aspects raciaux qui ont empêché le marché d’avoir vraiment plus d’impact dans le quartier. Certains résidents du quartier voient comme un magasin de « blanc » et « bobo » avec des prix trop élevés.

Petit point sur la situation alimentaire aux US :
 La culture de la nourriture aux Etats Unis est complètement différente de celle qu'on connait en France même si plus les années passent plus les modèles se rapprochent.
 Le budget alimentation représente en moyenne 7000 dollars par an ce qui revient à 12,5% des dépenses des foyers.
 En France le compte se rapproche plutôt de 20% d'après des enquêtes de 2014 mais c'est une baisse drastique par rapport aux années 1960 où la part du budget consacrée à l'alimentation était de 35%.
 Mais revenons aux Etats Unis, dans ce budget alimentaire, c'est presque la moitié qui est dépensée dans de la restauration extérieure. Il ne reste alors que 4000 dollars annuels de produits alimentaires ayant vocation à atterrir dans une cuisine. Parmi ces 4000 dollars, c'est plus d'un quart qui s'envolera à son tour dans les "miscellaneous" qui englobent : snacks sucrés et salé, plats préparés, condiments...
 Alors dans ce budget bien grignoté, quelle est la part consacrée aux fruits et légumes frais ?
 Dans le budget total de 7000, donc comprenant la restauration extérieure, les dépenses en fruits et légumes frais représentent seulement 7,6% soit 531 dollars par an.
 
 Mais encore faut-il prendre de la distance par rapport à ces chiffres, car ils sont basés sur un budget moyen de la population états-unienne. Une énorme partie des foyers possède un budget annuel et donc alimentaire bien moindre et cela concerne tout particulièrement les familles noires et latinos.
 Alors, dans un pays où l'on peut consommer un Burger pour 1 dollar et 25 centimes quand 3 pommes et 100gr de brocoli reviennent à 5,48 dollars dans un supermarché qui se trouve parfois à plus de 2km des zones d'habitation ; il est compréhensible que les initiatives comme le marché d'HollyGrove ait du mal a trouver sa place parmi les populations les plus démunies. C'est pour cette raison qu'un accès à un jardin potager et des ateliers éducatifs sur la nourriture (comme le proposent HollyGrove ou la KFarm de Washington) sont essentiels pour pérenniser et généraliser la consommation de produits sains et locaux.

Le marché d’HollyGrove est-il en partenariat avec d’autres programmes sociaux, fermes urbaines, jardins communautaires, ou écoles de la Nouvelle Orléans ?

« Hollygrove a eu diverses relations avec les écoles au fil des ans, en particulier avec l’Université de Tulane. J’ai essayé d’aider le marché à développer plus de relations au sein de la ville, mais je dirais que des progrès sont encore à faire pour établir plus de relations fortes et créer un réseau. »

Autres projets chouettes que j’ai pu rencontrer sur ma route :
https://www.facebook.com/growdatyouthfarm/
https://www.facebook.com/GrowOnUrbanFarms/

Selon toi, quel devrait être l’investissement du gouvernement dans des programmes alimentaires vertueux tels que les marchés de producteurs, les jardins communautaires, …?

« Le gouvernement local peut jouer un rôle en s’assurant que ces lieux trouvent une infrastructure sûre et saine ainsi qu’un accès facilité par des routes en bon état. Le gouvernement de la ville a été très indulgent avec Hollygrove au cours de ces dernières années en permettant au marché de payer des taxes à un rythme plus lent que ce qui est exigé normalement ; c’est également une bonne façon d’encourager le développement de tels projets. »

Quelle est la situation du marché à ce jour ?

« Le marché a actuellement besoin d’aide, sa situation budgétaire actuelle n’est pas durable. Il y a cependant des événements positifs qui sont à l’horizon, un entrepreneur alimentaire renommé dans la ville s’intéresse au conseil d’administration de Hollygrove ce qui pourrait amener beaucoup de bonne choses pour le lieu. En outre, le marché prévoit d’ouvrir son patio à plus d’événements sociaux afin de faire plus de sensibilisation destinée à la population du quartier ce qui pourrait agrandir et diversifier la clientèle. »

Encore une fois un énorme merci à Kevin pour m’avoir fait découvrir ce lieu et de m’avoir accueillie !

Sources :
 http://www.businessinsider.com/americans-spending-food-bls-2017-2
https://www.insee.fr/fr/statistiques/1379769

 

Ferme Brockoli Patch
(Scott)

Entre mes deux séjours à la Nouvelle Orléans, je suis allée aider et apprendre auprès de Brock dans la forêt nourricière qu’il crée depuis maintenant 9 ans. 4 hectares de terrain qui abritent plus d’une centaine d’espèces de plantes et autant, si ce n’est plus, d’insectes et autres petites créatures participant à la richesse de cet éco-système.

Brock qui se décrit facilement comme « the plant guy » a commencé ce lieu seul lorsqu’il avait une vingtaine d’années. Au début il ne vivait pas sur place et venait les soirs ou les week end pour observer, designer, planter… C’est au bout de trois ans qu’il a joyeusement installé son mobil’home sur le terrain afin de pouvoir vivre chaque jour dans ce lieu auquel il donne vie.
Aujourd’hui, au milieu des pinapple guava, mulberry, figuiers, bananiers, curcuma et autres merveilles, il vit en compagnie de Ellie et de leurs trois chats.
Si le climat de Louisiane est clément et permet a de nombreuses espèces de prospérer, la saison des pluies revenant chaque année inonde le sol et rend la culture de légumes très difficile sans serre ou surélévation. Cela laisse cependant place libre aux arbres fruitiers et lianes qui de ce fait, peuplent le terrain sans retenue.
Brock a une façon incroyable de travailler et d’évoluer sur son terrain, il déambule entre les allées plus ou moins large avec l’émerveillement d’un enfant dans un parc d’attraction. Il improvise ses séances de travail comme un musicien improviserait du jazz, connaissant chaque plante et lui apportant de l’attention pile au moment opportun !

L’un des moments qui fut pour moi le plus marquant lors de mon séjour au Brockoli Patch fut une soirée durant laquelle des ami.e.s de Brock et Ellie sont venu.e.s nous rendre visite. Toutes et tous vivant et voyageant autour de la conscience de la nature et de l’agro-écologie.

Moment de partage entre passionné.e.s

Le repas fut confectionné à partir d’éléments des fermes de chacun.e et les échanges furent des plus enrichissants. J’y ai appris beaucoup sur la situation agriculturelle des Etats Unis ainsi que sur les expériences de tous ces individus inspirants ! J’ai pu y constater énormément d’entraide entre les propriétaires de petites exploitations agricoles que ce soit par du prêt de gros matériel ou des échanges et dons de produits. Et c’est une solidarité qui s’avère nécessaire car malgré un investissement et des efforts énormes très rare sont les fermes parvenant à se rentabiliser. Parmi le groupe qui était réuni ce soir là, tou.te.s ont d’autres sources de revenus et au moins un travail à plein temps pour pouvoir soutenir l’activité fermière ou maraîchère.

J’ai profité de ces nouveaux contacts pour aller visiter la ferme de Alicia et Jacob qui vivent à une quinzaine de kilomètres du Brockoli Patch.
Leur terrain bordé de forêt s’étend sur environ 3 hectares. Dessus ils y cultivent des légumes pour leur consommation personnelle et des fleurs pour la vente.

Tous les deux occupent un travail à temps plein avec des horaires très différents, ils ont cependant réussi à se libérer une partie du jeudi afin de travailler ensemble aux avancements de leur ferme. Pour ce qui est de la vente, Alicia se rend au « Farmer’s Market » de Lafayette chaque samedi.
Depuis le début de leur ferme l’an dernier ils ont investi environ 30 000 dollars d’économies personnelles et leur chiffre d’affaire annuel a été de 8000 dollars. La ferme est donc déficitaire pour le moment mais leur stratégie est de commencer par les fleurs afin de pouvoir doucement diversifier la production vers toutes sortes de légumes, fruits mais aussi différents animaux.
Reprenant leurs mots  » Les gens sont prêts à mettre 10 dollars dans des fleurs alors qu’ils ne mettent presque jamais cette somme dans du brocoli.« 

Et il est vrai que si les fleurs sont l’un des produits encore épargnés par la gourmande et impitoyable grande distribution, ce n’est pas le cas de l’alimentation en particulier les produits frais qui ne sont pourtant toujours pas accessibles à tou.te.s, comme expliqué plus haut. De plus, si des aides financières proposées par l’Etat commencent à se développer pour des lieux pratiquant autrement qu’en mono-culture, elles sont encore très difficiles d’accès pour des fermes de petite échelle.

 

Je m’arrête là pour mes découvertes de Louisiane même si j’aurais pu continuer sur des pages tant j’ai été touchée par cette région dans laquelle j’aspire à vivre un jour.

Une touche de voyage avec ce morceau de Casanovahttps://www.youtube.com/watch?v=NLdgKIWjtro

Merci mille fois à toutes les personnes et lieux qui ont contribué à mon amour cette jolie partie du monde.

 

Loélia, 30 juillet 2017

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